FORÊT SACREE KPASSE DE OUIDAH

Bourian
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Bourian

Située à 40 kilomètres de Cotonou, vers l’ouest, la forêt sacrée de Kpassè est plus qu’une étendue d’arbres élevés sur un tissu vert. « Kpassèzoun », appellation en langue locale, est un site à la fois environnemental et culturel qui a été valorisé depuis la seconde moitié du XVIIème siècle, en tant qu’emblème culturel et florilège d’histoires, en l’honneur du roi Kpassè. Lieu de déroulement de plusieurs cérémonies et aussi site touristique, la forêt sacrée est gérée par la famille KPASSENON. Elle s’étend sur une superficie d’environ 03 hectares à Tovè2, un quartier du 4ème arrondissement de Ouidah. Une partie de la forêt est certes réservée au public, mais la plus importante partie, abrite couvents et lieux de célébration où seuls les initiés et adeptes vodoun sont autorisés d’accès. Des cérémonies annuelles regroupant toute la communauté s’y déroulent également.

I. IDENTIFICATION DE L'ELEMENT

I. 1. Nom (tel qu'utilisé par les communautés)

– Forêt sacrée de Ouidah – En fongbé : Kpassèzoun

I.2. Domaine(s) de classification, selon l’UNESCO

Patrimoine naturel

I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique

La Forêt sacrée de Ouidah bien qu’étant accessible en partie au public est propriété privée de la famille KPASSENON. Toutefois, les adeptes vodouns de tous les temples sont impliqués dans les cérémonies qui s’y déroulent. Il s’agit notamment des familles des neuf branches de la collectivité ADJOVI plus les DANGBENON, HOUFFON et TCHIAKPE.

I.4. Localisation physique

- Lieu(x) de la pratique au Bénin

Il existe plusieurs forêts sacrées sur toute l’étendue du territoire béninois, nous pouvons citer par exemple la forêt sacrée de Zè, la forêt sacrée de Dogbo, la forêt sacrée de Dangbo.

- Pratique similaire au Bénin et/ou à l’étranger

Dans les zones de savane d’Afrique de l’Ouest, les îlots forestiers encore présents sont dans leur quasi-totalité – à l’exception des aires protégées – des lieux préservés pour des raisons cultuelles. Ces sites sacrés naturels, couramment dénommés « forêts sacrées » ou « bois sacrés » par diverses catégories d’acteurs, s’inscrivent dans l’histoire des sociétés, participent à la structuration de leur vie rituelle et sont l’objet d’enjeux variés dont certains mettent en péril leur devenir. Dominique Juhé-Beaulaton. Forêts sacrées et sanctuaires boisés. Des créations culturelles et biologiques (Burkina Faso, Togo, Bénin). France. Karthala, pp.280, 2010. halshs-00467806 .

I.5. Description détaillée de la pratique

La forêt sacrée Kpassè est une forêt classée, mais également une forêt sacrée comme son nom l’indique. Selon la légende, cette forêt marque l’emplacement où, au XIVe siècle, le roi Kpassè, fondateur de la ville, aurait miraculeusement disparu. D’après la croyance populaire, alors qu’il est mort enfermé dans sa chambre à Savi quelques années plus tôt, le roi Kpassè se serait réincarné en 1661 dans cette forêt, prenant la forme d’un grand arbre : un iroko baptisé « Kpassèloko ». Depuis lors, le roi Kpassè est devenu un grand symbole et la forêt s’en est trouvée plus valorisée. Cet arbre vénéré pour ses capacités mystiques, exaucerait tous les vœux émis par tout visiteur qui les formule de bonne foi et avec la promesse de revenir lui faire une offrande (peu importe sa valeur) en retour. C’est ainsi que dans une clairière de la forêt, on peut découvrir l’hôtel du python qui est un bâtiment colonial partiellement construit entre 1928 et 1929 par le capitaine Jean ADJOVI de l’armée coloniale française, en remerciement de l’exaucement d’un vœu qu’il aurait formulé avant son départ pour la première guerre mondiale.
Jusqu’aujourd’hui encore, la forêt de Ouidah continue à recevoir des cérémonies diverses comme le « Gozin » (cérémonie de purification de la ville) qui dure trois lunes ou encore le « Médoalissa » qui met fin aux cérémonies funéraires dans la communauté Xwédah. En plus de l’Iroko sacrée, plusieurs essences aux propriétés médicinales peuplent la forêt sacrée de Kpassè, C’est le cas d’un arbre de taille impressionnante qui se serait redressé après avoir été déraciné par un vent violent. La forêt abrite plusieurs divinités autour desquelles s’organisent périodiquement de grandes cérémonies rituelles. C’est aussi un musée à ciel ouvert qui accueille de nombreux visiteurs. Depuis le festival international du vodoun qui a eu lieu au Bénin, en 1993, la forêt sacrée de Kpassè s’est ouverte aux touristes, tout en conservant son pré carré interdit aux non-initiés. Au fronton de la forêt sacrée de Kpassè, trônent fièrement les statues sculptées du couple de panthères, qui auraient assuré la garde rapprochée du roi Kpassè. Ces deux panthères sont en même temps les gardiens de la forêt sacrée. La forêt renferme dans sa partie accessible au public, des représentations de diverses divinités telles que :
– Mami Wata qui est une divinité aquatique du culte africain vodoun, dont la pratique est répandue en Afrique de l’Ouest, du centre et du Sud, dans la diaspora africaine, les Caraïbes, et dans certaines régions d’Amérique du Nord et du Sud ;
– Gu, ou Ogoun, ou Ogou, qui se présente sous plusieurs aspects. Il préside au feu, au fer et à la guerre. Comme tel, il est le patron des forgerons. Il est le frère de Shangô.
– Sakpata qui est une divinité d’origine yoruba connue dans les pays du golfe du Bénin, également au Brésil et en Haïti, comme le dieu de la variole, et plus généralement des maladies éruptives. Au Bénin et au Togo, la mythologie vaudou en fait aussi la divinité de la terre3. Cependant les deux dimensions sont liées. Quoique très redoutée, c’est l’une des figures les plus populaires du panthéon vodoun.
– Hêbiosso (ou Hêvièsso), dieu de l’orage et de la foudre. Il est accompagné d’un nain ou d’un homoncule chargé de forger ses éclairs ;
– Tolègba, qui est l’intermédiaire et le messager des dieux. Il est assimilé, dans le vaudou syncrétiste haïtien, à saint Pierre, qui détient les clefs du paradis et de l’enfer. Il préside le lavage des mains d’eau et de rhum.

On retrouve également au sein de la forêt sacrée de Kpassè . Selon une croyance commune, un fait mystérieux et extraordinaire s’est produit à la fin du 19ème siècle dans la forêt, lui conférant davantage de valeur. En effet, le 4 juin 1988, un arbre aurait été abattu, mais 41 jours après, soit le 14 juillet de la même année, l’arbre se serait redressé de lui-même et au même endroit. Ce qui a suscité la stupeur dans toute la ville. La forêt sacrée de Kpassè, c’est également des espèces fauniques notamment des chacals, des biches et des serpents.
Bien que de nombreuses cérémonies s’y déroulent durant toute l’année et impliquant exclusivement les adeptes et initiés, une cérémonie de purification et de prières ouverte au grand monde est annuellement organisée. La forêt sacrée Kpassè de Ouidah propose également des articles artisanaux, elle entretient une boutique-souvenir.

I.6. Langue(s) utilisée(s) dans la pratique

Le Fongbé, le Xwedah

I.7. Éléments matériels liés à la pratique

Patrimoine bâti

La forêt sacrée est délimitée par une clôture et à l’intérieur de laquelle se retrouvent également de nombreux temples et autels dédiés aux divinités.

Objets, outils, matériaux supports

Durant les cérémonies liées à la forêt sacrée les éléments ci-dessous sont utilisés :
– Lakouè (lampion traditionnel alimenté à l’huile de palme) ;
– Ahowé (Cola Garcina) ;
– Atakoun (Piment de Guinée) ;
– Vi (Cola Acuminata) ;
– Huile de palme ;
– Sobadi (Alcool de fabrication locale)
– Farine de maïs.

II. APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION DU PATRIMOINE

II.1. Modes d’apprentissage et de transmission

La gestion de la forêt sacrée Kpassè de Ouidah est assurée par les héritiers de la famille KPASSENON, même si la forêt est intrinsèquement liée au culte vodoun à Ouidah. L’apprentissage se fait par initiation.

II.2. Personnes/organisations impliquées dans la transmission

La transmission est du ressort unique et exclusif des sages de la famille KPASSENON qui assurent depuis des siècles les offices de génération en génération

III. HISTORIQUE

III.1. Repères historiques

Selon la légende, au XIVe siècle, le roi Kpassè aurait mystérieusement disparu là où un arbre iroko aurait miraculeusement poussé. Il se serait transformé en cet iroko qui perdure encore depuis des siècles. L’arbre serait en mesure d’exaucer des vœux. De nombreuses personnes viennent à cet endroit pour y faire des offrandes et toucher de la main le mystérieux arbre.
Autour de cet arbre, s’est constituée toute une forêt qui a revêtu un aspect sacré au fil du temps car elle demeure un lieu de rituel. Elle servait de lieu d’initiation et d’apprentissage aux jeunes sorciers vaudous qui apprenaient auprès des plus vieux. Site aménagé dans le cadre du festival international des arts « vodoun » en 1993, elle est devenue un lieu de visites touristiques internationalement reconnu et un patrimoine culturel par les Béninois. Entre 1999 et 2004, des édifices à vocation religieuse (couvent, lieux de passage des initiés) ou touristique (bâtiment situé à une entrée pour la vente des billets, latrines) ont été construits. Les statues érigées en 1992 ont été repeintes à plusieurs reprises (notamment en juillet 2000 et 2005), juste avant la cérémonie commémorative de l’arbre abattu. Enfin, des jardiniers s’occupent de l’entretien de la clairière-musée en plantant des essences végétales afin d’assurer la pérennité de la végétation arborée.

III.2. Évolution/adaptation/emprunts du patrimoine

Autrefois, la forêt sacrée n’était pas vraiment accessible au public, ce n’est qu’en 1993 lors festival international des arts « vodoun », que le site a été aménagé et ouvert au public, en dépit de l’existence de couloirs et de lieux exclusivement réservés aux adeptes du culte vodoun. C’est ainsi que l’écotourisme émerge comme une nouvelle forme de valorisation et de conservation de ce patrimoine à la fois culturel et naturel (D. Juhé-Beaulaton, 2003).

IV. VIABILITÉ DU PATRIMOINE ET MESURES DE SAUVEGARDE

IV.1. Viabilité

Vitalité

La forêt sacrée Kpassè est l’un des principaux sites touristiques de la ville de Ouidah, bien que son affluence ait baissé, elle demeure quand même assez fréquentée. La forêt de Kpassè est actuellement intégrée aux circuits touristiques des « tours operator ».92 Elle figure dans les brochures proposées par les agences et également dans un guide, « Visage du Bénin, le guide du tourisme et des affaires », publié à Cotonou (C. Tchaou Hodonou, 2001, ed. du Flamboyant). La forêt sacrée de Kpassèzoun y est présentée comme « un musée à ciel ouvert. Ce lieu historique prend aujourd’hui une dimension culturelle plus large pour la population béninoise qui lui reconnaît une dimension patrimoniale et économique par le capital investi dans son aménagement : le produit des quêtes au moment des cérémonies et le paiement des visites permettent la poursuite des aménagements, l’entretien du site et la rétribution des guides.

Menaces et risques

En dépit de son caractère sacré, la forêt de Kpassè est exposée à des menaces liées à l’urbanisation de la ville de Ouidah et à l’exploitation de ses essences. Le défaut d’entretien et la non-préservation des acquis du festival Ouidah 92 sont également des risques notables.

 

Menaces de disparition

Aucune menace de disparition ne pèse sur la forêt sacrée de Kpassè car les héritiers de ce patrimoine veille malgré tout à sa préservation, surtout sur la superficie réservée aux initiés où personne n’oserait commettre d’actes répréhensible

Conflits d’usage

Il n’y a aucun conflit actuel en cours.

IV.2. Mise en valeur et mesure(s) de sauvegarde existante(s)

Modes de sauvegarde et de valorisation

Le site est transmis de génération en génération dans la famille KPASSENON

Actions de valorisation à signaler

– Clôture de la forêt
– Aménagements intérieurs

Modes de reconnaissance publique

Erection en site touristique à l’occasion du festival Ouidah 92

IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées

IV.4. Documentation à l’appui

Récits liés à la pratique et à la tradition

Inventaires réalisés liés à la pratique

Bibliographie sommaire

– Juhé-Beaulaton, Dominique (dir.) — Forêts sacrées et sanctuaires boisés. Des créations culturelles et biologiques (Burkina Faso, Togo, Bénin). Paris, Karthala, 2010, 280 p., bibl
– Visage du Bénin, le guide du tourisme et des affaires », publié à Cotonou (C. Tchaou Hodonou, 2001, ed. du Flamboyant).

Filmographie sommaire

Sitographie sommaire

V. PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS, GROUPES ET INDIVIDUS

V.1. Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche

Nom, Fonctions​, Coordonnées​

KPASSENON Gédéon, Guide de tourisme, 96 91 63 60

Fonctions

KPASSENON Gédéon, Guide de tourisme, 96 91 63 60

Coordonnées

KPASSENON Gédéon, Guide de tourisme, 96 91 63 60

V.2. Soutiens et consentements reçus

MÉTADONNÉES DE GESTION

Rédacteur(s) de la fiche

– ZINSOU Modeste
– Hervé ACCROMBESSI,
– DJOTON Oluwachéoun Mireille
– TOSSOU Ryan
– AGBLO Laurent
– ADOSSOU Carmel Koffi Rodolphe.

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

Carhel QUENUM, Coordonnateur de l’enquête

Lieu(x) de l’enquête

Date/période de l’enquête

03 Septembre 2021

Date de remise de la fiche

Année d’inclusion à l’inventaire

N° de la fiche

FI_26

Identifiant ARKH