FÂ (ORACLE)

Bourian
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Bourian

Le Fâ est une science divinatoire ancestrale provenant de l’ouest de l’actuel Nigéria, précisément de l’ex royaume d’Ifè. D’ailleurs le Fâ, Ifâ en yoruba, aurait hérité le nom de ce royaume. Porte-parole des divinités, Fâ est indissociable de la pratique du vodoun, d’ailleurs toute cérémonie commence par la consultation du Fâ, il intervient également dans tous les grands événements pouvant marquer une vie (naissance, mariage, grossesse, mort, etc). Fâ s’exprime à travers des signes, des « doû » parmi lesquels on dénombre 16 principaux. Ses signes ne sont interprétés que par un Bokonon (chez les fons) ou Babalawo (chez les yoruba), pour avoir cette habileté une formation rigoureuse allant jusqu’à 20 ans est primordiale. Aujourd’hui on retrouve le Fâ sous deux types principaux : le Fonfâ et le Anagofâ

I. IDENTIFICATION DE L'ELEMENT

I. 1. Nom (tel qu'utilisé par les communautés)

En Fongbé : Fâ

I.2. Domaine(s) de classification, selon l’UNESCO

Patrimoine cultuel

I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique

Le Fâ est répandu un peu partout au Bénin.

I.4. Localisation physique

- Lieu(x) de la pratique au Bénin

Le Fâ est retrouvé un peu partout au Bénin mais il est beaucoup plus présent dans le quotidien des populations du centre et du sud du Bénin.

- Pratique similaire au Bénin et/ou à l’étranger

Dans les pays européens on retrouve les voyants, les médiums, etc. qui sont similaires aux prêtres Fâ.

I.5. Description détaillée de la pratique

La géomancie, sous la forme que nous connaissons, le FA, a atteint notre pays, le Bénin, vers le 17ème siècle par l’intermédiaire du Nigeria. A cet effet, la ville d’Ifè reste aujourd’hui pour tous les adeptes de cette voie d’évolution, le sanctuaire incontesté du FA.
La géomancie ou encore l’oracle est la voix des divinités. Fâ a pour vocation d’informer les hommes et de les guider vers le bonheur et la prospérité. Fâ ne fait pas que prédire le futur, il met au jour tout ce qui se retrouve au présent et déterre les secrets du passé. Lorsqu’on a une interrogation ou lors d’un événement important, Fâ est toujours consulté dans le but d’éviter le malheur, d’y remédier, de conquérir le bonheur et de le préserver.
La consultation, tout un rituel
On peut inviter un Bokonon (prêtre Fâ) ou se rendre chez ce dernier pour une séance de consultation du Fâ. Avant tout le Bokonon s’installe, assis sur une natte et à sa droite vide sa sacoche contenant divers matériaux pour la consultation (graines, colas, cauris, os, peau d’animaux, morceau de terre, etc). On s’installe alors devant lui. Le Bokonon remet alors une graine de Z’yeux aux chattes (adjikouin) sur lequel on met les frais de consultation (varie selon chaque Bokonon) et à laquelle on chuchote l’interrogation sans que le Bokonon l’entende. Après cela on touche le front trois fois avec la graine et l’argent ensuite on les dépose sur la natte. Posé sur la natte le Bokonon enroule le chapelet divinatoire composé de quatre paires de demi-coque autour et effrite du kaolin dessus, ensuite il les recouvre avec un tissu blanc.

L’interprétation du message
Après avoir imploré les anciens et nouveaux Bokonons, le Bokonon récupère le chapelet qu’il jette sur la natte et ensuite interprète le signe apparut. Après avoir raconté une légende du Fâ liée au signe sorti, le Bokonon l’explique. Ce n’est qu’après cela qu’on expose ce sur quoi on interroge le Fâ. Pour résoudre alors le problème, le Bokonon demande ensuite au Fâ vers quoi se tourner : les divinités (vodoun), les offrandes (Vo), un gris-gris (Bô), les dons (saara), etc. Ces solutions sont matérialisées par les différents objets de la sacoche (graines, colas, cauris, os, peau d’animaux, morceau de terre, etc) lorsqu’il les remet on les mélange et on se les partage arbitrairement dans les deux mains. Il jette alors un second chapelet et là le signe qui sort qualifié de secondaire permet de retenir le contenu d’une main. L’opération est répétée jusqu’à l’obtention d’une seule issue. On prend ensuite le « Adjikouin » (graine de z’yeux aux chattes) dans une main, on ferme les deux poings et le Bokonon jette ensuite un troisième chapelet pour déterminer avec précision la solution, par exemple si c’est une divinité qui est retrouvée avec le jet du second chapelet, ici on détermine si c’est une divinité paternelle ou maternelle et ainsi de suite jusqu’à connaître la divinité avec précision. Cette solution n’est valable que pour 16 jours, passé ce délai on doit reprendre les consultations. Pour une consultation lors d’une naissance, il y a une légère différence, le chapelet est substitué à des noix de palmes spéciales (Fâ dékin), exclusivement dédiées au Fâ, avant de les ramasser, une libation (poulets) est nécessairement effectuée au palmier.
16 signes principaux
L’existence est basée sur seize principaux signes à savoir : Gbémêdji, Yèkoumêdji, Wolimêdji, Dimêdji, Lossomêdji, Wlinmêdji, Ablamêdji, Aklanmêdji, Goudamêdji, Sâmêdji, Troukpinmêdji, Toulamêdji, Lêtêmêdji, Kamêdji, Tchêmêdji, Foumêdji. L’existence de chaque individu est basée sur un signe de Fâ. Ce qui fait que chaque personne peut aller se procurer son propre Fâ. C’est une grande cérémonie qui coûterait environ 75.000f pour les femmes et 300.000f pour les hommes. La vie est beaucoup plus facilitée avec le Fâ, un smartphone Android avec Google Assistant est une analogie qui illustre bien le rôle de Fâ dans la vie d’un homme. Malgré le fait que Fâ prévient, et donne des solutions, si ses signes sont mal interprétés (très souvent par des supposés prêtres Fâ amateurs) ou que les directives qu’il donne n’ont pas été respectées, il n’est pas de la responsabilité de Fâ d’accomplir un miracle. On retrouve généralement des prêtres du Fâ mais dans certaines contrées, des femmes exercent en tant que prêtresses du Fâ.

I.6. Langue(s) utilisée(s) dans la pratique

Le Fon, le Nago

I.7. Éléments matériels liés à la pratique

Patrimoine bâti

Dans les pays européens on retrouve les voyants, les médiums, etc. qui sont similaires aux prêtres Fâ.

Objets, outils, matériaux supports

On retrouve les objets suivants dans les outils du prêtre Fâ :
– Apklê (chapelet divinatoire),
– os (de poule, mouton),
– coquillage,
– coquille d’escargot,
– cauris,
– noix de palme,
– graines de z’yeux aux chattes,
– planche en bois,
– clochette,
– natte,
– Tchakouété (sacoche),
– cailloux blancs,
– argile,
– kaolin,
– panier…

II. APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION DU PATRIMOINE

II.1. Modes d’apprentissage et de transmission

Être Bokonon n’est pas un métier, l’on peut être choisi ou choisir de devenir Bokonon. Dans la plupart des cas, la connaissance du Fâ est transmise de façon héréditaire, un prêtre aurait été formé par l’un de ses parents, mais quelques fois le signe de certaines personnes indique qu’ils détiennent un don concernant la connaissance du Fâ, ces personnes se rapprochent alors d’un Bokonon qui les initie à la pratique.
Donc toute personne désirant devenir prêtre Fâ, doit suivre une sorte de formation de quelques années au cours de laquelle son formateur lui apprend les rites et chants, les plantes médicinales, comment interagir avec le Fâ, comment interprêter les signes, en gros il lui enseigne l’art divinatoire avant de pouvoir travailler tout seul et avoir son propre lieu de consultation. Pendant sa formation, l’apprentie Bokonon observe les manières de faire de ses aînés en suivant attentivement toutes les pratiques. Il est régulièrement mis à l’épreuve surtout sur les cérémonies qui se font et sont corrigées. Après la formation, une cérémonie est faite pour libérer le nouveau Bokonon.

II.2. Personnes/organisations impliquées dans la transmission

Ce sont les anciens Bokonon qui se chargent de la transmission des savoirs culturels à propos du Fâ aux nouveaux aspirants.

III. HISTORIQUE

III.1. Repères historiques

Plusieurs légendes renseignent sur le Fâ. Selon l’une d’elle le Fâ de par son courage aurait été gratifié d’un pouvoir de divination et de voyance dès la création de l’humanité par le créateur afin d’assister et d’accompagner ce dernier. La pratique du Fâ est très ancienne, elle provient du sud-ouest de l’actuel Nigéria, de l’ex royaume d’Ifè. La pratique a été propagée un peu partout dans le sud du Bénin et du Togo, Au Bénin l’adaptation chez les fons on fait resurgir une forme de Fâ (le Fon-Fâ). Ici à Ouidah, le Fon-Fâ était pratiqué depuis le début du XVIIème sciècle. Babagbéto, une femme originaire d’Oyo emmena son jeune frère Chabiiyi Babalawo (Bokonon en yoruba) à Ouidah, ayant commencé les consultations, le Fâ Nago s’est révélé beaucoup plus précis et puissant que sa variante Fon. Depuis la pratique s’est propagée dans bon nombre de famille Nago, aujourd’hui, si on fouille bien on retrouverait au moins un excellent Babalawo dans chaque collectivité Nago à Ouidah.
Prenons pour exemple la famille Egnile à 2 km de Ouidah. Installé au début du 18e siècle par un nago ayant transité par Abomey. Il consultait pour le roi d’Abomey et suite à un différend avec ce dernier qui a ordonné sa mort, il s’est enfui grâce à ses forces mystiques. Il s’installa alors dans ce village de Ouidah où il forma plusieurs bokonons. Aujourd’hui, c’est carrément une université du FA qui s’y trouve.

III.2. Évolution/adaptation/emprunts du patrimoine

Les rites et rituels concernant le Fâ demeurent toujours les mêmes, rien n’a changé les concernant. Mais en ce qui concerne les frais des cérémonies, ils augmentent au fur et à mesure dû à la cherté des outils et matériaux. Aussi pour se procurer son Fâ, les cérémonies prenaient une semaine auparavant de sortir mais de nos jours les prêtres Fâ font de sorte qu’ils durent deux jours au plus tard.

IV. VIABILITÉ DU PATRIMOINE ET MESURES DE SAUVEGARDE

IV.1. Viabilité

Vitalité

Le Bokonon est rémunéré avec les frais de consultation, le Vokouè et aussi Agbandjikouè. La chair des animaux sacrifiés lors des offrandes lui revient aussi parfois.

Menaces et risques

La positivité du Fâ ne l’empêche pas de punir les désobéissants. Le Fâ incarne pureté et honnêteté alors il ne tolère pas l’impureté.

Menaces de disparition

Aucune menace de disparition à signaler pour l’instant

Conflits d’usage

Aujourd’hui il y a beaucoup de faux marabouts qui foisonnent sur internet et usurpent les identités de nombreux prêtres Fâ, cela donne une image négative aux vrais pratiquants. Aussi quelques  prêtres Fâ indélicats interprètent mal les signes ou ne font pas de manière adéquate les cérémonies. 

IV.2. Mise en valeur et mesure(s) de sauvegarde existante(s)

Modes de sauvegarde et de valorisation

Pour la sauvegarde des savoirs du Fâ, les prêtres Fâ enseignent l’art divinatoire à leurs enfants. 

Actions de valorisation à signaler

Il a été créé une étude de la géomancie à l’université d’Abomey-Calavi.

Modes de reconnaissance publique

Les activités liées au Fâ sont reconnues grâce au chapelet divinatoire et aux signes du Fâ.

IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées

IV.4. Documentation à l’appui

Récits liés à la pratique et à la tradition

Inventaires réalisés liés à la pratique

Bibliographie sommaire

– DJIMASSE, Gabin, La naissance du vodoun, 2013, p.23-25
– KAKPO, Mahugnon, Introduction à une poétique du FA, 2006.
– MEDEGNON, Désiré, Le FA entre croyances et sciences pour une épistémologie des savoirs africains, 2017.
– HOUNWANOU R., 1984 : Le FA: une géomancie divinatoire du golfe du Bénin (pratique et technique), NEA, Lomé, 249p

Filmographie sommaire

 

Sitographie sommaire

https://www.universitepopulairemeroeafrica.org

V. PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS, GROUPES ET INDIVIDUS

V.1. Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche

Nom, Fonctions​, Coordonnées​

ATINDEHOU Geoffroy, Prêtre Fâ, 97 61 66 41

Fonctions

ATINDEHOU Geoffroy, Prêtre Fâ, 97 61 66 41

Coordonnées

ATINDEHOU Geoffroy, Prêtre Fâ, 97 61 66 41

V.2. Soutiens et consentements reçus

MÉTADONNÉES DE GESTION

Rédacteur(s) de la fiche

– ZINSOU Modeste
– Hervé ACCROMBESSI
– DJOTON Oluwachéoun Mireille
– TOSSOU Ryan
– AGBLO Laurent,
– ADOSSOU Carmel Koffi Rodolphe.

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

Carhel QUENUM , coordonnateur de l’enquête

Lieu(x) de l’enquête

Date/période de l’enquête

30 Août 2021

Date de remise de la fiche

Année d’inclusion à l’inventaire

N° de la fiche

FI_7

Identifiant ARKH