EGUNGUN

Bourian
Bourian
Bourian

Selon les traditions et les croyances populaires africaines principalement, les défunts ne meurent pas mais passent dans un autre monde. Cette croyance est d’ailleurs présente dans la culture, les mœurs et les coutumes de la majorité des groupes socio-culturels. Par exemple, chez certains Nago, l’esprit d’un mort peut se matérialiser à travers un costume spécial pour venir porter un message aux vivants. C’est le Kuvito en langue Fon (qui voudra signifier qui revient du royaume des morts) ou Egoun en langue Yoruba. Tout un culte est dédié aux Kuvito dans les familles YORUBA qui les vénèrent.

 

I. IDENTIFICATION DE L'ELEMENT

I. 1. Nom (tel qu'utilisé par les communautés)

– En Fongbé : KLuito – En YORUBA : Egungun

I.2. Domaine(s) de classification, selon l’UNESCO

Savoirs sacrés

I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique

La plupart des familles Nagos sont liées au Kuvito : DOUKPO, ATINDEHOU, ADEOSSI, ALOU, ALAPINI, OGOULOLA, ADELAOUNWA, SOKPIN, ALADE, ADJAKAÏ, ABATAN, etc.

I.4. Localisation physique

- Lieu(x) de la pratique au Bénin

Un peu partout au Bénin et toutes les localités où on retrouve les Nagos

- Pratique similaire au Bénin et/ou à l’étranger

Les africains ayant été déportés dans l’Îles Caraïbes et les Amériques n’ont pas abandonné leur foi. On retrouve jusqu’à aujourd’hui dans ces régions les descendants de ces africains qui continuent toujours de perpétuer le culte Egungun.

I.5. Description détaillée de la pratique

Le culte Egungun est exclusivement et intrinsèquement lié aux peuples d’origine nago. C’est l’un des plus vieux cultes présent et perpétué dans le monde entier. Ceux qui ont adoptés le culte des Egungun se considèrent vivants ou morts comme Egungun selon la coutume. Nous distinguons plusieurs formes de vénération Egungun. parmi lesquelles nous avons par exemple Oya. Oya est un Egungun ayant un lien fort avec la divinité Hèbiosso. Il est souvent représenté dans les couvents de cette dernière néanmoins des fois, pendant des cérémonies très spéciales Oya peut faire une sortie où il est l’unique Egungun présent, il est parfois aussi sollicité par les prêtres du fâ. Nous avons également un autre culte Egungun, en langue fon « kuvito » vulgairement appelé ‘revenants’ qui est dédié aux défunts dans les familles nagos qui vénèrent les Egungun. Après un décès dans une famille qui vénère les Egungun. plusieurs cérémonies sont faites. Après l’Akpamansoun, une de ces cérémonies, l’esprit du défunt est matérialisé dans le « Tchan », une branche d’arbre sacrée sculptée. La tête coupée du mouton utilisé au cours de la cérémonie et le « Tchan » du défunt sont envoyés sur l’autel représentant les aïeux de la famille nommé « OJUORI. De neuf mois à un an après toutes ces cérémonies a lieu une grande cérémonie « IKUYIYA », cette cérémonie n’est faite que par les familles qui sont concernées. Pendant cette cérémonie, l’esprit du défunt est rappelé de la forêt et ainsi il peut rejoindre la maison. S’ensuit une autre cérémonie « Agō » réservée aux défunts ayant étés des hommes importants pour leurs communautés. Ce n’est qu’après ces cérémonies que la famille se réunit pour fixer la date à laquelle elle sortira les egouns ayant nouvellement quitté la forêt. On sollicite un couturier spécialisé dans la confection de la parure des « EGUNGUN », appelés « ALARAN ». Les « ALARAN » sont initiés suivant des cérémonies spécifiques. Tout le monde ne se lève pas et devient « Alahan ». L’«ALARAN » coud alors la parure du « kuvito » selon les recommandations du FA. Une fois cousue et après d’autres rituels sacrés, la famille présente les nouveaux « EGUNGUN » qui montrent leurs belles parures brillantes. S’ensuit alors la cérémonie « Dêzizê » après laquelle le nouveau « EGUNGUN » peut s’exprimer avec sa propre voix lugubre. Ainsi lors des événements spéciaux (les naissances, mariages, décès, retrouvailles) les « EGUNGUN » sortent. Ils sont également sollicités pour régler les litiges entre les membres de la famille et résoudre les problèmes spirituels des membres de la famille. Un enfant lors de la sortie des EGUNGUNS peut solliciter les conseils de son défunt parent. Outre ses occasions, un « EGUNGUN » peut sortir pour réprimander les personnes qui violent les interdits. Les « EGUNGUN » dansent au rythme de différentes percussions. Nous avons par exemple le rythme « Batta qui est devenu OGBON» et le « Gan-Gan » . Les batteurs héritent de ce savoir-faire et y sont initiés depuis leur jeunesse très souvent. Les familles YORUBA sont très organisées, cela est d’ailleurs visible dans la vénération du « EGUNGUNS » qui suit une organisation particulière. En premier nous avons les egouns qui dominent la hiérarchie, ensuite vient le Baba (le chef de famille) puis le ALAGBA le responsable des Marios, le Babalatchê et les Iyalatchê (respectivement prêtres et prêtresses des divinités). En dernier ressort on a le Babaagbalè (Chargé du couvent).
Le siège des Egunguns à Ouidah était à Agassoukpota. Depuis un moment, avec l’expansion du culte, il y a trois lieux phares où on retrouve les Egunguns à Ouidah.

I.6. Langue(s) utilisée(s) dans la pratique

Le YORUBA

I.7. Éléments matériels liés à la pratique

Patrimoine bâti

Chaque famille possède son couvent destiné aux rites et cultes Egoun et son autel dédié à ses ancêtres. Les principaux couvents sont chez les OLOUDE à GOME, les ALAPINI à ZOMAI et les GOULOLA à ADJIDO.

Objets, outils, matériaux supports

Parmi les éléments retrouvés dans le culte dédié aux egouns nous pouvons citer : les pagnes, les cauris, les perles (Djê), les cornes (lanzo), les escargots, les pigeons, l’alcool local (sodabi), l’huile de palme, les sucreries, tchans (une sorte de tige du bois Atoli sculptée et consacrée), vi (cola acuminata), ahowé (cola garcina), atakoun (piment de guinée), gin royal, les moutons, les poules et coqs. OBI cola

II. APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION DU PATRIMOINE

II.1. Modes d’apprentissage et de transmission

Le culte egungun nécessite une initiation pour tout novice lié par le sang à une famille au moins qui vénère l’egoun. Aussi les « Iyalatchè » et les « Babalatchè » désignés par le Fâ se chargent de transmettre le savoir-faire aux générations montantes qui suivent habituellement les cérémonies.

II.2. Personnes/organisations impliquées dans la transmission

Les « Iyalatchè » et les « Babalatchè » sont directement impliqués dans le processus initiatique. Cependant chez les YORUBA les sages et dignitaires de la famille ont un rôle important.

III. HISTORIQUE

III.1. Repères historiques

La vénération des egungun remonte à très longtemps dans l’histoire. Les nagos quand ils se déplaçaient, emmenaient avec eux leurs divinités. Déjà au XVIIème siècle on note la présence de quelques egouns dans le royaume Xweda car beaucoup de nagos ont migré vers ce royaume. Mais avec l’avènement des razzias esclavagistes menées avec le fort soutien des occidentaux, ce peuple s’est retrouvé persécuté. Vers le XVIIIème siècle à Ouidah royaume fraîchement conquis par le royaume du Danxomé, les braves et courageux Yoruba qui perpétuaient leur culte étaient accusés auprès du roi de préparer une révolte. Convoqués expressément par le roi, ils lui déclarèrent que ce n’étaient point la préparation d’une révolte mais plutôt un culte dédié aux mânes de leurs ancêtres. Le roi voulut alors une preuve irréfutable de la véracité de leurs propos, car pour la plupart de l’assistance, un défunt ne saurait s’affranchir de la mort. Les sages nagos en mettant en jeu leurs vies pour défendre leurs coutumes, leur culte ont été isolés dans une case, le roi leur a ensuite remis tout ce dont ils avaient besoin. Ils ont ensuite demandé au roi de faire sortir les « Dikpo » (restes de tissus funéraires) qu’il possède. Ce dernier appela le « Donkpègans » (chargé des enterrements du roi), qui ramenèrent tous les tissus en sa possession. En sortant de la case où ils étaient internés, ils furent suivis par un egoun sur lequel on retrouvait tous les « Dikpo ». Sidéré, le roi officialisa leur culte et les laissa retourner à Ouidah sans incident. Notons que dans le royaume du Danxomé d’alors que les peuples conquis avaient le droit systématique d’hisser leurs divinités dans le panthéon du royaume et de vénérer leurs divinités. Une fois arrivés à Ouidah et ayant l’approbation du roi les nagos se regroupaient occasionnellement, en l’occurrence ceux qui vénèrent les egunguns, pour célébrer leur culte. La majorité des familles qui vénèrent les egouns actuellement ont eu leurs ancêtres qui étaient parmi ceux-là qui ont défendu le culte « egunguns ». Selon les retours d’histoire, c’est Francisco Félix de SOUZA , alors vice-roi du roi Guezo qui installa les Alapini à Zomaï pour vénérer leurs ancêtres.

III.2. Évolution/adaptation/emprunts du patrimoine

Le culte du « egunguns » a connu plusieurs évolutions, commençons déjà par dire qu’au début qu’un egoun ne représentait pas singulièrement un défunt, plusieurs défunts peuvent sortir à travers un egoun. Aussi les règles et interdits liés aux egouns sont devenues plus souples avec notre monde actuel, par exemple si le pagne d’un egoun touchait un non initié, il est automatiquement frappé par la mort. Mentionnons également qu’aujourd’hui toute famille voulant organiser la danse sacrée des « egunguns» va chercher une autorisation chez le ALAGBA en charge de sa région puis au niveau de la mairie

IV. VIABILITÉ DU PATRIMOINE ET MESURES DE SAUVEGARDE

IV.1. Viabilité

Vitalité

Les PERCUSSIONNISTES qui accompagnent les « egunguns» le font de manière  professionnelle, c’est un métier qui n’est pas régulier et les modalités de paiement varient en fonction de la compétence du percussionniste.  

Menaces et risques

Les egouns sont des divinités rigoureuses. Lorsqu’une offense leur est faite il est assez difficile de revenir en arrière.

Menaces de disparition

Le culte est toujours perpétué par les familles détentrices de ce patrimoine il n’y a donc pas de risque de disparition à signaler en ce qui concerne le culte egungun. Toutefois, on note une certaine fragilisation.

Conflits d’usage

Nous remarquons plusieurs événements qui entrent en conflit direct avec le culte egungun. En premier lieu, compte tenu de la tolérance que les divinités accordent comparativement aux temps anciens, il y a beaucoup de jeunes gens qui ne les respectent plus comme cela devrait être. On observe également à l’international un courant de dénigrement du sacré, par exemple des expositions de costumes, de personnes qui se masquent à l’image de la parure des « egunguns ». En plus plusieurs familles s’autoproclament détenteurs du culte « egunguns » même si elles n’ont aucun lien véritable avec ce culte.

IV.2. Mise en valeur et mesure(s) de sauvegarde existante(s)

Modes de sauvegarde et de valorisation

Les sages des communautés Yoruba qui vénèrent les « egungun» se retrouvent le plus souvent avec les autorités administratives pour discuter des sujets relatifs à leur culte, ils sont également dans le conseil des dignitaires et des sages.

Actions de valorisation à signaler

Le conseil des sages et des dignitaires ne cesse de réguler et de régler les problèmes liés au culte des egunguns. Notons aussi que la danse des egunguns est un évènement qui regroupe beaucoup de monde, d’ailleurs un proverbe fon dit « Kluito man ton bo ba ahouankpo » ce qui signifie les « egunguns» sont toujours suivis par une foule.

Modes de reconnaissance publique

On reconnaît très vite les egunguns avec leurs brillantes parures, leurs voix lugubres ou le son du « Gan-Gan » qui les accompagne.

IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées

IV.4. Documentation à l’appui

Récits liés à la pratique et à la tradition

Inventaires réalisés liés à la pratique

Bibliographie sommaire

Filmographie sommaire

Sitographie sommaire

V. PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS, GROUPES ET INDIVIDUS

V.1. Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche

Nom, Fonctions​, Coordonnées​

Baba AÏKOU Ariola, Chef de la famille AÏKOU, 66 12 40 49

Fonctions

Baba AÏKOU Ariola, Chef de la famille AÏKOU, 66 12 40 49

Coordonnées

Baba AÏKOU Ariola, Chef de la famille AÏKOU, 66 12 40 49

V.2. Soutiens et consentements reçus

MÉTADONNÉES DE GESTION

Rédacteur(s) de la fiche

– ZINSOU Modeste
– Hervé ACCROMBESSI
– DJOTON Oluwachéoun Mireille
– TOSSOU Ryan, AGBLO Laurent,
– ADOSSOU Carmel Koffi Rodolphe.

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

Carhel QUENUM, Coordonnateur de l’enquête

Lieu(x) de l’enquête

Date/période de l’enquête

14 Septembre 2021

Date de remise de la fiche

Année d’inclusion à l’inventaire

N° de la fiche

FI_1

Identifiant ARKH