Bourian
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Le Assin (portrait, autel, sanctuaire…portatif du défunt), est une représentation du défunt. C’est la personnalité post-mortuaire de la personne décédée. Il est fait en suivant les caractéristiques du défunt qu’il s’agisse de son statut, de sa profession, sa personnalité, son rôle dans la société ou encore la famille de laquelle il est issu.

I. IDENTIFICATION DE L'ELEMENT

I. 1. Nom (tel qu'utilisé par les communautés)

En Fongbé : Assin

I.2. Domaine(s) de classification, selon l’UNESCO

Patrimoine Culturel immatériel

I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique

Toutes les communautés fons et xwédah qu’ils soient d’Abomey ou ayant migrés au sud ou ailleurs au Bénin sont intimement liées à cette pratique.

I.4. Localisation physique

- Lieu(x) de la pratique au Bénin

Commune de Ouidah, et un peu partout au Bénin

- Pratique similaire au Bénin et/ou à l’étranger

La pratique du Assin est très répandue en Afrique de l’Ouest. On la retrouve au Togo, en Côte d’ivoire, au Ghana, Mali… 

I.5. Description détaillée de la pratique

Chez les fons en particulier, le Assin est matérialisé pour représenter les défunts. C’est la matérialisation de la personne défunte, on peut la déplacer. En effet, lorsqu’une personne décède on procède à des cérémonies pour consacrer le défunt, la première étape consiste à enterrer les restes prélevés sur le défunt (ongles et cheveux) en faisant les rituels et des libations. Trois mois plus tard, on fait le Djônoudidô (un rituel au cours duquel on fait des offrandes, des libations et des prières pour souhaiter la bienvenue au défunt auprès de ces ancêtres dans l’au-delà). Vient ensuite l’implantation du Assin qui par analogie peut s’assimiler à l’enlèvement de deuil chez les chrétiens catholiques. L’implantation du Assin débute un an après le décès du défunt. Les sages de la famille, les enfants, et les membres de la famille du défunt se réunissent pour cotiser afin de commander le Assin du défunt chez un forgeron (Flétountô) qu’ils jugent qualifié. Le Assin se compose d’une tige en fer d’environ 1,5 mètre surplombé d’un disque en métal orné de symboles renvoyant ou faisant allusion à la profession du défunt, son rang dans la communauté ou autre fait marquant dans sa vie. Par exemple on peut retrouver un Assin orné d’une barque si le défunt fût un pêcheur ou d’un fusil s’il fût un chasseur ou un guerrier, un roi, une personnalité. On retrouve sur les Assins le symbole d’une corde tissée pour traduire que c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. C’est une exhortation à la pérennisation du culte Assin. On trouve aussi un bananier car ce dernier avant de mourir laisse toujours un rejeton. Le sens de ce bananier relève l’importance de la procréation pour la transmission des savoirs mais également pour que le passage sur terre qu’a été la vie ne soit pas inutile.
Le Assin comporte également le nom de la personne décédée, un dessin le représentant. Quand le Assin est terminé par le forgeron, la famille vient le chercher et avant de la faire entrer dans la maison les tangninons (prêtresse spirituelle de la famille) verse de l’eau à l’entrée pour souhaiter la bienvenue au défunt ainsi représenter par le Assin. Il est introduit dans la maison de la tige vers la tête. On met ensuite le Assin sur une natte et on le couvre d’un pagne, on rassemble tous les membres de la famille pour Dôassinvâ (c’est-à-dire mettre sous terre le Assin). D’abord les Tangninons lancent les Vî (cola acuminata) et Ahowé (garcina cola) pour une consultation auprès des anciens Assin pour leurs annoncer qu’un nouveau Assin sera installé à leurs côtés, qu’ils l’accueillent et l’acceptent parmi eux. Après cette étape toute la famille rassemblée désigne l’un des enfants du défunt pour présenter à genoux le Assin réalisé de leur parent défunt à toute l’assemblée et chacun fera une offrande en fonction de ses moyens. En consultant avec les colas, la tangninon demande au Assin le lieu où il désire être mis sous terre pendant la Assindôvâ qui précèdera la mise du Assin dans le Assinhô. Certains assins demandent par exemple à être mis sous terre dans la douche des femmes ou à l’intérieur du Assinhô. Le assin est mis sous terre avec des feuilles de késsou-késsou, sêman, ayanman, tôbô, désrêguèman trituré ensemble dans une concoction. Très tôt le matin, les tangninons déterre le assin, le lave et l’orne de beaux pagnes, ensuite elles préparent du haricot presque cuit qui sera mis dans le trou pour enfin de l’installer dans le assinhô auprès des autres Assins. On fera des offrandes de coq et poule. C’est seulement un an après on pourra faire des offrandes de mouton par exemple.
Rôle du ASSIN
Le assin est la preuve de l’attachement qu’ont les peuples du Sud du Bénin à leur parents défunts. On ne veut pas se séparer d’eux et on les conserve à la maison familiale généralement. Bien que n’étant plus parmi nous ici, ils continuent de faire partir de la famille et joue un rôle de gardien dans la maison. Chaque année, à une période fixe selon les familles, des cérémonies sont organisées pour faire des offrandes aux assin qui sont nos ancêtres défunts. Peu importe l’âge des défunts à leur mort, ils sont appelés ancêtres. Ils communiquent avec les membres de la famille par l’entremise des rituels que font les tangninons sous la supervision des vigan (chef culte familial) et du chef de la famille.
Ces cérémonies se font par étape selon une grande organisation et chacun a son rôle. Déjà la veille du jour des libations la nuit après 20h au moins, on procède à une prise de rdv pour le lendemain. Cette étape est appelée ahandidoho. Les fils et filles de la famille envoient chacun selon sa capacité, des boissons sucrées et alcoolisées qui sont offertes au Assin pour les informer que le lendemain, ils auront des offrandes. C’est une forme de permission qu’on vient prendre auprès d’eux. Les colas sont lancés pour avoir leur accord et des boissons sont mélangées et partagées par tous les participants. Le lendemain, les cérémonies débutent par l’accueil du chef de famille devant qui tous les membres (enfant et parents alliés par le mariage) de la famille viennent faire allégeance. Ensuite on procède à la lecture des donc que chacun a envoyés et qui sont listés dans un cahier et présentés publiquement. Après, on procède à la présentation des dons aux assins avec les demandes liées à chaque auteur de l’offrande. C’est à la fin de tout ce processus que les animaux sont tués et leur sang offert aux assins. On cuisine ensuite les repas et on les nourrit. C’est uniquement lorsque les ancêtres (assin) ont fini de manger que les vivants peuvent manger ensemble et festoyer. Pour ceux qui ont offert des moutons, une cuisse est envoyée dans la maison du chef de famille qui distribue selon son bon vouloir et une autre est renvoyées à celui qui a fait l’offrande.
Lorsque par exemple dans la famille, le chef de famille constate que les enfants n’arrivent pas à obtenir une situation professionnelle stable ou encore que les filles ne se marient plus ou encore que beaucoup de décès surviennent, le chef de famille va organiser des interrogations pour comprendre. C’est alors que les prêtresses tangninon chantent les louanges, leurs donnent des boissons sucrée et alcoolisées avant de poser la question avec le jet des colas. Selon les réponses interprétées, les assins disent les raisons qui expliquent la malchance sur la famille et indiquent quoi faire pour corriger les choses.
Cela peut être des libations de coq, de mouton etc.
Les assins sont souvent vénérés pendant la période de pâques. C’est le lieu des retrouvailles où ceux qui sont loin de la terre natale donnent de leurs nouvelles ou rentrent au pays pour une reconnaissance. Les assins jouent un très grand rôle dans la vie de ceux qui les adorent.

I.6. Langue(s) utilisée(s) dans la pratique

Le Fongbé

I.7. Éléments matériels liés à la pratique

Patrimoine bâti

Chaque famille possède son Assinhô (lieu dédié à tous les assins de la famille ou de la collectivité).

Objets, outils, matériaux supports

Le assin est confectionné par des forgerons. Il est composé d’une tige en fer sur lequel repose une circonférence avec des motifs en fer ornés, de symbole en bronze ou en laiton, décoré de pièces de 10f.
En ce qui concerne les rituels, les éléments qui sont souvent utilisés sont :
– lakouè (marmite en argile cassé)
– Vî (cola acuminata)
– Ahowé (garcina cola)
– Atakou (manigutte ou piment de guinée)
– Gin bonus ou gin royale
– Huile de palme
– Farine de maïs
– poule et coq
– Haricot
– Huile de noix de palme

II. APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION DU PATRIMOINE

II.1. Modes d’apprentissage et de transmission

Les tangninons sont les femmes qui s’occupent des rites liés aux assins. Elles sont secondées par des jeunes filles de la famille choisies et leurs apprennent ces savoirs faire ancestraux. Quant à la fabrication du assin, les forgerons notamment les DOSSOUGBETE ici à Ouidah sont les familles reconnues pour confectionner les assins et transmettre de génération en génération, ce savoir-faire familial.

II.2. Personnes/organisations impliquées dans la transmission

Ce sont les prêtresses (Tangninons) et les sages de chaque famille qui s’occupent de la transmission à la génération qui les suit.

III. HISTORIQUE

III.1. Repères historiques

Le Assin est une pratique qui a pris racine dans le royaume de Danxomè actuelle Abomey avant de s’installer dans la majorité des régions du sud du Bénin. Il remonte au règne de AKABA, l’histoire raconte qu’au moment du règne de AGADJA il eut une très grande famine et une sècheresse qui dura plusieurs années. C’est ce qui poussa le roi AGADJA a quitté le Danxomè pour s’installer sur la côte. Il faisait des cauchemars répétitifs, c’est après consultation qu’on lui révéla qu’il devait faire un rituel afin de représenter son grand frère défunt AKABA pour que son esprit soit apaisé. C’est au cours de ce rituel que le assin du roi AKABA fût représenté et depuis les fons ont hérité cette pratique qu’ils font également pour leurs défunts.

III.2. Évolution/adaptation/emprunts du patrimoine

Le assin n’a pas beaucoup changé au fil des années, les forgerons spécialisés dans la conception du assin ont amélioré la pratique afin de rendre les assins plus beaux et plus présentables comparés à ce qui se faisait avant. Les rites et les pratiques sont restés identiques comme le faisait les ancêtres.

IV. VIABILITÉ DU PATRIMOINE ET MESURES DE SAUVEGARDE

IV.1. Viabilité

Vitalité

C’est une pratique assez rentable surtout pour les forgerons qui font la conception du assin. Elle permet aux familles d’honorer leur défunt.

Menaces et risques

Au nombre des interdits liés aux assin figurent : les disputes nocturnes, les jurons spirituels, les mauvais sorts, le assin ne doit pas entrer en contact avec la tête d’un individu…ces exemples illustrent certaines règles à tenir pour éviter les mauvais sorts du assin. Des cas de vol de assin et de pillage des assinhô ont été enregistrés ce qui illustre clairement la désacralisation de cette pratique de nos jours.
En dehors de ceux-ci, le assin n’a pas de risques directs pour ceux qui le pratique.

Menaces de disparition

La pression et la prolifération des religions occidentales portent un coup dur à cette pratique. Avec la modernisation certaines personnes ne croient plus et vont jusqu’à diaboliser cette pratique héritée de nos ancêtres

Conflits d’usage

IV.2. Mise en valeur et mesure(s) de sauvegarde existante(s)

Modes de sauvegarde et de valorisation

Des assinhô avec des serrures et des portes à verrou ont été installés pour limiter le pillage. En dehors de ça, les détenteurs s’assurent de transmettre la pratique à leur descendance afin que même après plusieurs générations elle perdure.

Actions de valorisation à signaler

Chaque famille organise une célébration annuelle pour faire des cérémonies et des offrandes en l’honneur de leurs assins, c’est également l’occasion des retrouvailles des membres de la famille. La ville de Ouidah a érigé en l’honneur des victimes de la honteuse traite négrière un assin afin d’afin d’apaiser leurs âmes et surtout cela représente un lieu de receuillement.

Modes de reconnaissance publique

Le assin est reconnu par tous, il est composé d’une tige en fer au-dessus duquel une circonférence ornée de motif caractérisant la personne défunte. C’est un autel portatif. 

IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées

IV.4. Documentation à l’appui

Récits liés à la pratique et à la tradition

Inventaires réalisés liés à la pratique

Bibliographie sommaire

Filmographie sommaire

Sitographie sommaire

V. PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS, GROUPES ET INDIVIDUS

V.1. Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche

Nom, Fonctions​, Coordonnées​

KAKANAKOU Martin, Chef de la famille KAKANAKOU, 97 91 42 19

Fonctions

KAKANAKOU Martin, Chef de la famille KAKANAKOU, 97 91 42 19

Coordonnées

KAKANAKOU Martin, Chef de la famille KAKANAKOU, 97 91 42 19

V.2. Soutiens et consentements reçus

MÉTADONNÉES DE GESTION

Rédacteur(s) de la fiche

– ACCROMBESSI Hervé
– DJOTON Oluwachéoun Mireille
– TOSSOU Ryan
– AGBLO Laurent
– ADOSSOU Carmel Koffi Rodolphe

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré

– ZINSOU Modeste
– Hervé ACCROMBESSI
– DJOTON Oluwachéoun Mireille
– TOSSOU Ryan
– AGBLO Laurent,
– ADOSSOU Carmel Koffi Rodolphe.

Lieu(x) de l’enquête

Date/période de l’enquête

02 Septembre 2021

Date de remise de la fiche

Année d’inclusion à l’inventaire

N° de la fiche

FI_6

Identifiant ARKH